La version terrestre de l'Enfer

16/08/2024 - 20:23
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   Imaginez un monde où il y aurait des livres partout ! 

Texte

   Ils envahiraient votre quotidien du matin au soir, votre maison, votre voiture, ils seraient omniprésents au supermarché, à la plage, au cinéma, à la télé, en avion même. Vous aurez beau fermer les yeux qu'à chaque mouvement de votre part, à chaque pas, vos mains buteraient sur eux. L'ENFER SUR TERRE ! 

   C'est ce que la vue de la photo qui illustre le présent article m'a inspiré. 

   Je l'ai regardée dix fois, vingt fois et à chaque fois, j'ai ressenti d'abord un malaise, puis une profonde répulsion et me suis demandé quel est l'architecte dérangé du cerveau qui a pu imaginer pareille structure. Voulait-il reconstruire la fameuse Tour de Babel ? Si oui, il aurait dû s'être renseigné pour savoir ce qu'il est advenu d'elle. Ou alors l'Empire State Building ? Ou encore le Borj Khalifa de Dubaï ? 

   Or, en tant qu'auteur, j'aurais, au contraire, dû être ravi ! 

   Sauf que le Livre n'est pas la Vie. Il n'est qu'une version fantasmée de cette dernière laquelle version peut avoir tantôt des effets bénéfiques tantôt des effets négatifs. Dans tous les cas de figure, le livre ne doit pas envahir nos vies c'est-à-dire la vraie vie. Il doit l'accompagner, en silence (quelle hérésie que ces livres "parlés" ou enregistrés alors que la lecture silencieuse fut l'une des grandes conquêtes de l'humanité !), et manière discrète car l'écrit est d'abord le silence. L'écrit convoque notre Voix Intérieure, la seule qui est vraie, qui ne triche pas car elle n'est pas contrainte de faire plaisir aux autres, de les amadouer, de se plier aux normes édictées par la société. Le Livre est le Silence de chaque lecteur.

   Quand mes yeux tombent sur cette photo, j'entends au contraire une sorte d'explosion fort désagréable.

   Pour dire les choses de manière plus triviale : on est un jeune homme bien dans sa peau, fringant et tout qui vient d'obtenir un rendez-vous (inespéré) avec une super mamzelle, or au lieu de s'y précipiter, on préfère se plonger dans un bouquin de Garcia Marquez ou de Lévi-Strauss ; on est un homme adulte et il y a la retransmission d'un match de foot avec Christiano Ronaldo mais au lieu de se scotcher devant sa télé, on s'enferme dans sa chambre pour lire du Raimbaud ou du Césaire ; on est une femme qui a bossé 35 interminables heures dans une administration quelconque et il fait exceptionnellement beau (chose devenue rare, même en pays tropical, à cause du dérèglement climatique) et au lieu d'aller marcher en forêt ou se baigner à la mer, on choisit de découvrir Marguerite Duras ou Annie Ernaux.

   Ces trois personnages mériteraient, à mon humble avis, une consultation psychiatrique.

   Ils n'ont qu'une excuse. Une seule : beaucoup (trop) d'auteurs se la jouent. Leur cinéma le plus courant est la fameuse "peur de la page blanche". Mon Dieu, que c'est terrible, cette blancheur aveuglante qui les paralyse et blablabla ! Pour ma part, je n'ai jamais eu qu'une seule terreur dans ma vie : la peur, l'horreur même !, de la page... quadrillée. Vous savez, ces trucs remplis de petits carrés, de rectangles et de points de suspension qu'on vous somme de remplir. Déjà quand il fallait les remplir à la main, ça me fichait la nausée et maintenant qu'ils sont en ligne, c'est encore pire. Tous ces formulaires de Sécurité Sociale, des Impôts et que sais-je encore. Bon, leur non-remplissage a des conséquentes pour le moins désagréables sur mon existence : redressements d'impôts, non-remboursement de frais médicaux et autres avanies. Je sais ! je sais parfaitement qu'il s'agit là d'un comportement irresponsable mais qui puis-je ? Je ne peux pas lutter contre ma Nature. Rechercher mon numéro de Sécu pour l'inscrire sur un imprimé administratif, ça me fait chier. Pardon d'être vulgaire ! Par contre, donnez-moi trois feuilles blanches et demandez-moi de les noircir avec ce qui peut me traverser l'esprit ou me passer par la tête, là, par contre, j'ai ZERO problème. 

   Mais, Dieu merci !, l'espèce de Tour de Babel qui est représentée sur cette photo en guise de bibliothèque n'est qu'un fantasme. Un pur fantasme ! 

   NB. Il existe, cependant, un truc, un machin, qui nous envahit partout où l'on se trouve. PARTOUT ! Nuit et jour. Quel que soit l'endroit où l'on se trouve. Ce n'est aucunement lui qui m'exaspère. C'est juste son OMNIPRESENCE. Marre de la pollution sonore ! Vous savez, ce truc dont un célèbre philosophe teuton dit que "la vie serait une erreur s'il n'existait pas". Même les plus grands esprits peuvent dire ou écrire des conneries parfois...

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Commentaires

Oui, cette photo...

Frédéric C.

Samedi 17 août 2024 - 10:07

...est peut être l'expression d'un fantasme. Mais quand je songe au roman "Fareineit 451", et aux autodafés nazis, et à la prolifération de bêtises sur les soi-disant réseaux "sociaux", JE ME DIS: Face à une bibliothèque ou une grande librairie, j'ai à ma portée des livres qui mouvement des portes, je peux faire mes propres choix, contre le "totalitarisme soft" qui tend à nous faire penser tous pareil (Palestine notamment Gaza, Russie en Ukraine, problèmes au Venezuela et à Cuba, pseudo supériorité intrinsèque de l'Occident...)... Donc si une bibliothèque ou une librairie si "profuse" est vraiment pluraliste, elle ne m'inquiète pas, au contraire elle m'attire. Peut-être que si je devenais écrivain je changerais. Mais c'est loin d'être certain. Le besoin d'altérité est très fort... Lire nous ouvre, contrairement à FB et compagnie..

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