Après 16 ans d'enseignement en lycée (Lycée Technique de Fort-de-France, lycée Frantz Fanon de Trinité, lycée Montgérald du Marin etc...), j'ai passé un doctorat en langues et cultures régionales consacré à "L'Ecrit en créole du 18è au 20è siècle" et suis devenu maître de conférences à ce qui était à l'époque l'UAG (Université des Antilles et de la Guyane) et qui est devenue l'UA (Université des Antilles) aujourd'hui.
Enseigner (l'anglais dans mon cas) en lycée est un métier assez différent de celui de l'enseignant-chercheur à l'université. D'abord, parce que dans ce dernier cas, la moitié du travail consiste à faire des recherches et à en publier les résultats sous formes d'articles scientifiques ou dans des livres. Ensuite, parce qu'enseigner à des adultes, fussent-ils jeunes, est aussi autre chose que de le faire pour des adolescents à qui il faut sans cesse imposer une forme de discipline. Sinon, je n'ai pas, contrairement à la quasi-totalité de mes collègues, intégré une discipline toute faite, structurée depuis des décennies (voire des siècles pour certaines) comme les Lettres modernes, l'Histoire, l'Anglais, l'Espagnol, la Géographie etc... J'ai eu la chance de participer, aux côtés de Jean Bernabé et de son groupe de recherches, le GEREC (Groupe d'Etudes et de Recherches en Espace Créole), à la construction d'une toute nouvelle discipline : "Les Etudes Créoles".
Tâche exaltante quoique difficile, très difficile même car il nous a fallu affronter l'indifférence et parfois l'hostilité de certains (es) collègues d'autres disciplines, mais aussi la méfiance des parents d'étudiants (es) pas toujours disposés à ce que leurs rejetons s'inscrivent dans une filière qu'ils jugeaient sans débouchés professionnels. Il a fallu commencer par un simple Diplôme d'Université à savoir le DULCC (Diplôme Universitaire de Langues et Cultures Créoles), puis continuer avec une Licence de Créole qui ne commençait qu'en 3è année (l'étudiant devait posséder un DEUG ou Diplôme d'Etudes Universitaires Générales dans l'une ou l'autre des disciplines classiques comme l'anglais ou l'histoire) et enfin aboutir à la mise sur pied d'une vraie licence en trois ans c'est-à-dire commençant dès après le baccalauréat, dès la première année d'université donc. Il nous a fallu 17 ans pour parvenir à ce résultat. Et après cela, il nous a fallu nous battre pour arracher au Ministère de l'Education Nationale la création d'un CAPES de créole, cela contre l'avis des créolistes des autres pays créolophones. Car ce CAPES est le résultat d'un combat mené par le GEREC et lui seul. Pour aider nos premiers étudiants à sa préparation, nous avions publié pas moins de 11 "Guides du CAPES de créole" : La graphie créole (Jean Bernabé), La version créole (R. Confiant) etc..
Sinon, à mon niveau, les cours qu'il m'arrivait de dispenser, le plus souvent en anglais, à des étudiants nord-américains venu en stage sur le campus de Schoelcher, me plaisaient beaucoup car ils me mettaient en contact avec un autre public ayant des attentes et des objectifs assez différents de nos étudiants martiniquais et guadeloupéens habituels.
Devenu professeur émérite, je continue à dispenser quelques cours (sans être rémunéré) et suis toujours membre de mon groupe de recherches, le CRILLASH, et participe à des soutenances de Masters et de Thèses...