"Grif An Tè" (1979-83), le premier journal martiniquais entièrement en créole

   J'ai toujours été intéressé par le journalisme et cela dès mes études à l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix-en-Provence au milieu des années 70 du siècle dernier. Mais uniquement par la presse écrite, les journaux et magazines et aucunement par la radio ou la télévision. C'est sans doute parce qu'il y a une sorte de continuité entre l'écriture littéraire, l'écriture universitaire et l'écriture journalistique. La radio et la télévision, par contre, fonctionnent avec l'oral ou plus exactement avec l'écrit oralisé dans lequel je me sens assez peu à l'aise.

   Le premier organe de presse auquel j'ai participé, dont j'ai été membre du comité de rédaction, fut Grif An Tè, le tout premier journal martiniquais rédigé entièrement en langue créole qui vécut quatre ans : de 1979 à 1983. Son directeur de publication était Serge Domi devenu par la suite un sociologue reconnu et son comité de rédaction était composé de Térez Léotin, Serge Harpin, Claude Larcher, Claude Clairicia, Chéri-Zécoté, Raphaël Confiant et Claude Larcher.

   D'abord mensuel, il devint hebdomadaire, cela à une époque où le créole n'existait ni dans les médias ni à l'école ni à l'université, époque donc où quasiment personne ne savait lire le créole ou en tout cas déchiffrer la graphie dite "du GEREC" du nom du Groupe de Recherches En Espace Créole dirigé, à l'Université des Antilles et de la Guyane par Jean Bernabé. En dépit de ce contexte difficile, Grif An Tè connut un indéniable succès d'autant qu'en plus d'être trouvable en librairie, il était vendu à la criée par les membres de son comité de rédaction dans les rues de Fort-de-France. Il permit l'alphabétisation en créole de nombre d'artistes, de militants culturels, d'écrivains et de militants politiques deux décennies avec la création d'une Licence de créole et du CAPES de créole. 

   Une belle aventure à la fois journalistique et créolistique !

   NB. La totalité des 52 numéros parus est consultable à la Bibliothèque Schoelcher, à la Bibliothèque Universitaire du Campus de Schoelcher et aux Archives Départementales.