Il m'est assez fréquemment demandé de préfacer de nouveaux auteurs antillais. "Nouveaux" ne signifie pas ici forcément "jeunes" car on peut accéder à l'écriture à n'importe quel âge et d'ailleurs, la jeunesse biologique n'est pas automatiquement un gage de qualité littéraire.
Accepter de rédiger une préface demande forcément du travail : d'abord, lire le manuscrit comme un lecteur-lambda (ce que l'on appelle la lecture-plaisir), puis le relire, stylo à la main (à la manière des critiques littéraires et des universitaires) et enfin, écrire ladite préface. C'est du temps qui est pris sur votre activité personnelle et qui conduit nos auteurs installés à refuser, pour la plupart, de donner ce qui est en fait un coup de pouce à un nouvel auteur.
Pour ma part, je me refuse à...refuser. Jamais je ne décline une demande de préface sans avoir pris le temps d'examiner le manuscrit (ou tapuscrit) qui m'est proposé. Dès le premier travail de lecture achevé, je sais si oui ou non, j'accepterai de parrainer le futur ouvrage. Car en fait, dans l'esprit de ces nouveaux auteurs, il 'agit bien d'une forme de parrainage, d'intronisation en fait dans un monde__celui de l'édition__qu'ils savent ou devinent être impitoyable.
Refuser systématiquement de préfacer nos aspirants-auteurs relève d'un esprit "ti-neg", mesquin en bon français, qui m'est étranger. Certains de nos auteurs installés, en effet, ne s'investissent que pour leur pomme, pour leur petite personne, et se fichent royalement du devenir de la littérature antillaise. Hypertrophie de l'ego qui frise même le ridicule chez certains d'entre eux qui s'estiment nobélisables.
Cependant, une préface n'est pas un sésame ou un laisser-passer. Ce n'est pas la garantie que votre livre sera apprécié par la critique littéraire et surtout par les lecteurs. En réalité, personne à ce jour ne sait ce qui fait le succès d'un livre ! Quand je dis "succès", je n'entends pas seulement par là le succès d'estime (auprès du grand public cultivé comme on dit), mais du plus grand nombre de lecteurs. Car il serait hypocrite de dire qu'un vrai écrivain ne doit pas s'intéresser à cet aspect des choses. En effet, on écrit pour être lu et cela, du maximum de gens. Sinon, autant aller à la pêche le weekend au lieu de s'embêter à noircir des pages.
Au cours des deux années qui viennent de s'écouler, une dizaine d'aspirants-auteurs de Martinique, Guadeloupe et Haïti m'ont soumis leurs manuscrits en me demandant de leur faire une préface. Je n'en ai retenu que trois (dont les couvertures des livres illustrent le présent article) et ai accepté d'écrire une phrase pour le bandeau d'un quatrième. Car outre la préface, il y a aussi le bandeau comme outil de parrainage. Généralement rouge vif afin d'attirer l'attention en librairie, il comporte une phrase-choc d'un auteur connu ou célèbre et tout comme la préface, il est censé permettre à l'ouvrage de se distinguer des autres. Sauf que tout comme la préface, le bandeau n'est absolument pas une garantie de succès !
En tout cas, ces derniers temps, j'ai préfacé les trois auteurs suivants et rédigé un bandeau pour le livre du quatrième :
__Christian RAPHA : Tant que la dernière balle n'aura pas rebondi deux fois.
__Nady NELZY : Neg'Zagonal (L'Harmattan).
__Chantal CLEM : Moi, Lumina Sophie (Owen).
__Gerry L'ETANG : La Désapparition (Project'îles).
Ouvrages que je vous invite à découvrir et à lire car ils le méritent !