"Bitako-a" (1985), mon deuxième roman en créole

22/05/2022 - 13:42
Intro

   Après la publication de mon premier roman (et premier roman en créole martiniquais), Jik dèyè do Bondyé, en 1979, cela à compte d'auteur et à une époque où presque personne ne savait lire le créole, ouvrage qui évidemment ne connut aucun écho, j'attendis six ans avant d'en publier un deuxième. En 1985, en effet, je publiais Bitako-a, toujours à compte d'auteur car aucun éditeur martiniquais n'avait voulu prendre le risque d'investir dans un ouvrage qui, de toute évidence, ne se vendrait pas. 

Texte

   Il faut rappeler le contexte : à l'Université des Antilles et de la Guyane, le GEREC (Groupe d'Etudes et de Recherches) de Jean Bernabé menait, depuis 1975, un important travail de recherches sur le créole, notamment en matière de graphie ; du côté des militants linguistiques, un journal entièrement en créole était né, Grif An tè (1979-83), avec pour directeur de publication Serge Domi. Journal dont j'ai fait parti du comité de rédaction aux côtés de Térez Léotin, Serge Harpin, Claude Clairicia, Georges-Henri Léotin, Lucienne Chéri-Zécoté, Claude Larcher et d'autres.

   Mais cet activisme universitaire d'une part et militant de l'autre était impuissant à lutter contre la créolophobie qui régnait au sein de la société martiniquaise. D'ailleurs, si à cette époque, on m'avait dit qu'il existerait un jour un CAPES ainsi qu'une agrégation de créole, j'aurais carrément ri. Restait donc un seul terrain où il était possible de faire quelques avancées : celui de la littérature. Terrain que s'étaient mis également à défricher Monchoachi, Joby Bernabé et plus tard, Serge Restog, Térez Léotin, Judes Duranty, Georges-Henri Léotin etc... 

   En 1985 paraît donc Bitako-a et comme pour mon précédent roman, Jik dèyè do Bondyé, aucun média n'en parle ni ne m'invite à en parler. Pas un commentaire radiophonique ou télévisuel, pas une ligne dans la presse écrite ! Seule satisfaction, les rares personnes qui avaient lu Jik dèyè di Bondyé me dirent que Bitako-a était nettement plus lisible du point de vue de la construction romanesque mais elles demeuraient réticences quant au pan-créole que je persistais à utiliser à savoir un créole martiniquais enrichi par des emprunts lexicaux, syntaxiques et rhétoriques aux autres créoles à base lexicale française. 

   23 longues années plus tard, je réédite Bitako-a, en 2018 donc, cela chez Caraibéditions, cette fois avec une belle préface en français de Jean Bernabé. Je passais donc du compte d'auteur au compte d'éditeur, la situation du créole ayant profondément changé entre 1985 et 2018. Il existait maintenant, en effet, une Licence et une Maîtrise de Créole à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l'Université des Antilles et de la Guyane, cela sous la houlette du Pr Jean Bernabé, et le combat visant à obtenir la création d'un CAPES de créole avait commencé (concours qui sera obtenu en 2002 grâce à la détermination du GEREC et de lui seul). 

   Si donc la première édition de Bitako-a (1985) n'avait obtenu quasiment aucun écho, il n'en alla pas de même pour la réédition de 2018.

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