Romans, essais, contes, récits de vie, autobiographies imaginées

26/12/2022 - 18:51
Intro

  Ayant publié à compte d'auteur mes 5 premiers livres écrits en créole, aucun éditeur n'étant assez fou pour miser sur ce genre d'ouvrages à une époque (1979-87) où le créole n'était pas encore considéré comme une vraie langue, j'ai pris l'habitude, la mauvaise habitude sans doute, de ne jamais lire les contrats que par la suite les éditeurs germanopratins me feraient signer lorsqu'en 1988, je publierais mon tout premier livre en français, Le Nègre et l'Amiral chez Grasset. 

Texte

   Or, lesdits contrats comportaient une clause d'exclusivité, ce qui signifie que j'étais tenu de publier chez eux et eux seuls. Du moins tous mes textes qui s'inscrivaient dans le genre romanesque. Evidemment, ne lisant jamais les contrats, je ne le savais pas ! Ce qui m'a en quelque sorte sauvé dans un premier temps, c'est qu'étant un auteur-Grasset, un auteur de romans, les éditions Grasset n'ont pas tiqué lorsqu'en 1989, j'ai publié aux éditions Gallimard un essaiEloge de la Créolité, co-écrit avec Jean Bernabé et Patrick Chamoiseau. Le redoutable éditeur, le Grand Manitou de Grasset qu'était Yves-Berger, n'a pas tiqué non plus lorsqu'en 1991, j'ai publié aux éditions Hatier un autre essai sur la littérature antillaise, co-écrit avec Patrick Chamoiseau : Lettres créoles : tracées antillaises et continentales de la littérature (1635-1975). Toujours aucune réaction non plus lorsque j'ai publié un troisième essai chez Stock en 1992 : Aimé Césaire. Une traversée paradoxale du siècle.

   Puis, je publiai aux éditions L'ARCHIPEL/ECRITURE, sous la houlette de Jean-Daniel Belfond avec lequel j'ai entretenu une relation quasi-fraternelle, trois récits de vie liés au monde de la plantation de canne à sucre : Commandeur du sucre (1994), Régisseur du rhum (1999) et La Dissidence (2014), le premier connaissant un certain succès. Toujours aucune réaction des éditions Grasset ! 

   Il est vrai qu'environ tous les deux ans, je donnais un roman à Grasset et que ceux-ci marchaient plutôt bien : Le Nègre et l'Amiral obtint ainsi le Prix Antigone de la ville de Montpellier en 1988 ; Eau de café fut finaliste du Prix Goncourt en 1992 et obtint le Prix Novembre (devenu "Décembre" depuis) et L'Allée des Soupirs figura dans la dernière sélection de ce même Prix Goncourt en 1994. 

 

   https://raphaelconfiant.com/article/deux-fois-finaliste-du-prix-goncourt-1991-et-1994

 

   L'Allée des soupirs fut finaliste du Prix Interallié en cette même année 1994.

  Tout semblait aller donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. En effet, sans connaître la fameuse clause d'exclusivité, ne lisant pas mes contrats, je ne la violais pas puisque ce que je publiais chez Gallimard, Hatier, Stock et Archipel/Ecriture ne relevait pas du genre romanesque. 

   De même, mes livres de créolistique (dictionnaires, recueil de proverbes créoles, récits de vie etc.) publiés à la même époque chez l'éditeur guyanais Ibis Rouge ne dérangea aucunement Grasset. En tout cas, ni Yves Berger ni personne de la maison ne me fit jamais la moindre remarque à leur sujet. Jusqu'au jour où, à ma stupéfaction, Yves Berger se fâcha parce que j'avais signé un contrat avec Gallimard pour une autobiographie d'enfance en deux tomes qui seront publiés en 1993 (Ravines du Devant-Jour) et en 2000 (Le Cahier de romances) dans la collection "Haute Enfance" dirigée par Colline Faure-Poirée. Je fus convoqué chez Grasset où on m'intima l'ordre de renoncer à ces contrats, sans doute parce qu'à l'époque, Gallimard et Grasset, qui dominaient l'édition française, étaient à couteaux tirés. En tout cas, en lutte chaque année avec les éditions du Seuil (d'où l'expression "Galligrasseuil") pour l'obtention du Prix Goncourt. Or, ne vivant pas dans l'Hexagone, n'y séjournant que pour de brèves promotions et l'Internet n'existant pas encore et donc le mail non plus, ni le téléphone portable non plus, je n'étais guère au courant des rivalités éditoriales germanopratines. Plus exactement, je ne mesurais pas à quel point elles étaient souvent exacerbées. 

   Mon refus de renoncer à publier dans la collection "Haute Enfance" de Gallimard signa la fin de ma relation, jusque-là fort amicale, ave Yves Berger et Grasset. 

   C'est Simone Gallimard, personne charmante et affable, qui me tira cette épine du pied qui dura bien trois ans en me proposant de rejoindre les éditions Mercure de France qu'elle dirigeait à l'époque. Dès lors, j'ai continué jusqu'à ce jour à y publier des romans sans le moindre problème et quand sa fille, Isabelle Gallimard, prit le relais à la tête du Mercure, personne tout aussi affable que sa mère, il en fut de même. La correction ou plutôt l'amélioration de mes manuscrits doivent beaucoup à Isabelle et à Jean-Michel Décimo, l'un des principaux éditeurs du Mercure. 

   Entre temps, outre l'éditeur guyanais Ibis Rouge, je m'étais lié d'amitié avec Florent Charbonnier, directeur de Caraibéditions, maison éditant des auteurs martiniquais et guadeloupéens. Personnage incroyable qui est passé de la direction d'une des plus grosses concessions automobiles de la Martinique à celle d'une maison d'édition régionale avec tout ce que cela comporte comme difficultés, notamment l'étroitesse du marché (à peine 1 million d'habitants). Seulement, à la différence des autres éditeurs antillais, F. Charbonnier déployait et continue de déployer des efforts considérables pour la promotion du livre antillais dans l'Hexagone. Il a même eu l'idée géniale de créer une collection de poche dans laquelle il republie des ouvrages d'auteurs antillais parus dans de grandes maisons parisiennes, mais dont les ouvrages ne sont plus disponibles faute d'avoir été repris en poche (Folio, Le Livre de Poche etc.). Il a ainsi republié Xavier Orville (Grasset), Simone Schwartz-Bart (Le Seuil), Ernest Pépin (Gallimard) ou encore Roland Brival (Phébus) de même que certains de mes livres parus chez Archipel/Ecriture. Il s'agit là d'un véritable travail patrimonial qui malheureusement n'est pas assez soutenu par les collectivités territoriales de Martinique et Guadeloupe.  

   Chez Caraibéditions, je me suis (effrontément) lancé dans un nouveau genre littéraire que j'appelle l'autobiographie imaginée. Il s'agit non pas de rédiger des biographies au sens classique du terme, mais de se mettre dans la peau, de se couler dans la ou les personnes que l'on évoque et donc en employant principalement le "Je" et non le "Il". C'est ainsi que je suis entré comme par effraction dans la peau de Frantz Fanon (L'Insurrection de l'âme. Frantz Fanon : vie et mort du guerrier-silex, 2017) ou encore de trois Martiniquais, de notoriété publique dans leur ile, qui ont participé à la guerre d'Algérie (Du Morne-des-Esses au Djebel, 2019). Très bientôt doit paraitre la biographie imaginée du plus célèbre "quimboiseur" (sorcier) martiniquais, surnommé Grand-Z'Ongle, qui, dans la première moitié du 20è siècle, défraya la chronique insulaire. 

     Entre romans chez Mercure de France, d'une part, et essais, récits de vie, dictionnaires de créole, recueil de proverbes et contes créoles, autobiographies imaginées d'autre part,  chez d'autres éditeurs, on me demande souvent comment je fais. La potion magique est pourtant très simple : être insomniaque, ce que je suis de grand-père à père et de père à fils (moi donc). Très bientôt d'ailleurs paraîtra au Mercure un roman, Le Bal de la rue Blomet, consacré à l'extraordinaire succès de la biguine dans le Paris des années 30.

    On trouvera ci-après la liste des principaux romans que j'ai publiés au Mercure de France. Manque toutefois le tout premier publié par Simone Gallimard (Le meurtre du Samedi-Gloria, 1997)...

 

  https://www.librairieryst.fr/listeliv.php?base=paper&form_recherche_avancee=ok&auteurs=Rapha%C3%ABl+Confiant&select_tri_recherche=pertinence&rayon=Litt%26eacute%3Brature+g%26eacute%3Bn%26eacute%3Brale&codegtl1=1000000&editeur=Mercure+De+France

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