l s’agit d’interroger dans l’œuvre de Saint-John Perse ce que l’on peut appeler « la linguistique imaginaire » du poète, sa quête incessante de ce qu’il nomme « les plus vieilles couches du langage ». D’où il ressort qu’il est comme hanté par ce miracle qu’est la naissance des langues et qu’il tente d’approcher le moment où celles-ci n’étaient que purs sons, chuintements éructations, etc., jusqu’à celui où surgit le phonème. Ce qui explique la passion de Perse pour les langues dravidiennes, dites agglutinantes, censées être plus anciennes que les européennes qui, elles, sont flexionnelles. Pourtant, il n’y a là aucune vénération pour l’oralité, car pour Perse, au commencement était l’écrit, écrit au sens où l’entendent J. Derrida et la philosophie de la Déconstruction, « archi-écriture » qui n’a rien à voir avec la « graphie » et qui est déjà présente au sein de toute parole humaine. Parole que le poète qualifie très logiquement de « phrase » et qu’il s’emploie à dérouler dans son obscure majesté.